Parce que ses symptômes sont souvent associés au vieillissement, la dépression reste encore trop banalisée et sous-diagnostiquée chez les personnes âgées. Au moindre signe, elle doit pourtant être systématiquement recherchée. Tout simplement parce que cette maladie augmente le risque de suicide et diminue la durée de vie, alors que des traitements efficaces existent.
« Être triste avec l’avancée en âge, non, ce n’est pas normal, explique le docteur Olivier Drunat, responsable du service de psychogériatrie de l’hôpital Bretonneau, à Paris. Lorsque l’on vieillit, on a du mal à se déplacer, on voit moins bien, on entend moins bien… De nombreuses personnes pensent donc que c’est logique d’être déprimé. Ce qui n’est pas du tout le cas. »
Comme pour le reste des adultes, la dépression est une maladie qui se soigne chez la personne âgée. Mais encore faut-il pouvoir la repérer.
Chez les anciens, « les premiers signes ne sont pas forcément évocateurs, précise le docteur Drunat. Le sujet âgé ne sera pas tout de suite enclin à parler de ses sentiments ou de ses émotions. Il évoquera d’abord des douleurs somatiques récurrentes ou de la fatigue. Mais si on l’interroge davantage, on retrouve bien les symptômes de la dépression : de la tristesse, une perte de plaisir et d’élan, des troubles du sommeil, de l’appétit, de la mémoire et des idées suicidaires ».
Environ 15 % de la population âgée concernée
Des éléments à ne pas négliger quand on sait que les plus de 65 ans représentent la tranche de la population la plus à risque de suicide. Selon une étude de l’Inserm publiée en 2011, les personnes âgées de 65 à 74 ans se suicident trois fois plus souvent que les 15-24 ans (six fois plus souvent chez les 85-94 ans). De plus, quand une personne âgée accomplit un geste suicidaire, sa détermination est telle qu’elle entraîne plus souvent le décès.
Ces chiffres montrent l’ampleur de la maladie dépressive chez les anciens. Elle concernerait environ 15 % des seniors (contre 4 % de la population générale) et « jusqu’à 20, 30 % des personnes en unité de soins de longue durée ou en maison de retraite », ajoute le docteur Drunat.
Plusieurs facteurs expliquent l’émergence de la dépression chez la personne âgée : le veuvage, la maladie, l’éloignement géographique des enfants et des petits-enfants ou encore la perte d’autonomie et l’accumulation des handicaps.
Alzheimer et AVC
La dépression tardive peut aussi être liée à une vulnérabilité cognitive. « Chez les personnes qui n’ont aucun antécédent psychiatrique en particulier, les premiers signes de dépression peuvent annoncer le début d’une démence, comme la maladie d’Alzheimer », constate Olivier Drunat.
On sait aussi que l’accident vasculaire cérébral (AVC) favorise la dépression. « Lorsqu’il y a un AVC, il faut surveiller de près le patient. On sait que la dépression grève le pronostic de l’accident vasculaire cérébral : on récupère moins bien et on met plus de temps à se remettre. »
Lorsque la dépression est diagnostiquée, sa prise en charge est la même que chez le sujet plus jeune. Le médecin met en place un traitement à la fois basé sur les antidépresseurs (de préférence les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) et le suivi psychothérapeutique.
« Le soutien psychologique est fondamental, conclut le docteur Drunat. Il se fait à plusieurs niveaux : le médecin traitant, l’infirmier à domicile, les proches ont également un rôle à jouer. » Chez la personne âgée, cette prise en charge a la même efficacité que dans le reste de la population. D’où l’importance de repérer la maladie le plus tôt possible.
Aliisa Waltari
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