Peur des fruits, des trous, de vomir, des masques… Il existe toutes sortes de phobies, souvent associées à un traumatisme survenu plus tôt dans la vie de la personne qui en souffre. Alexandra Lecart, psychologue clinicienne et psychothérapeute, en explique les raisons et les solutions thérapeutiques qui existent pour retrouver confiance dans l’objet ou la situation de crainte.
Si certaines phobies insolites sont aujourd’hui mises en avant par les médias, comme la phobie scolaire (didaskaleinophobie) ou l’administrativophobie, la phobie administrative, il existe des dizaines d’autres peurs singulières comme celle des fruits (carpophobie), des masques (maskaphobie), des trous (trypophobie), ou de vomir (émétophobie)… Impossible de toutes les énumérer tant elles sont nombreuses. « Il y a autant de phobies que d’objets », explique la psychanalyste Irène Diamantis dans son ouvrage Les phobies ou l’impossible séparation. Si le « phobogène », l’objet ou la situation qui déclenche ces phobies, peut surprendre, voire amuser, la souffrance des phobiques est parfaitement réelle. L’amaxophobie, ou la peur de conduire, qui s’intensifie souvent lorsque le véhicule prend de la vitesse et s’engage sur l’autoroute, peut être très invalidante.
Grand et petits traumas
Si ces peurs démesurées sont infinies et varient d’un individu à un autre, toutes trouveraient leur origine dans un grand ou un petit trauma plus ancien. « Lors d’un événement traumatisant, survenu dans les premières périodes de la vie jusqu’à la période jeune adulte, la personne phobique cristallise sa peur du danger et, probablement, de la mort sur un objet qui se trouvait à proximité à ce moment-là par un phénomène d’association, où l’objet est la peur directe comme un accident de voiture, ou une morsure de chien », précise Alexandra Lecart, psychologue clinicienne et psychothérapeute.
L’une de ses patientes se souvient parfaitement de l’événement qui déclencha sa phobie des roues. Alors qu’elle était enfant, sa grand-mère la promenait en poussette avant de tomber et de saigner en se cognant sur les roues de la voiturette. « L’enfant a certainement dû ressentir une situation de grand danger pour la personne qu’elle aimait, et elle a alors cristallisé sa peur de risque d’intégrité physique sur les roues », explique la spécialiste en précisant que la phobie s’installe alors pour éviter de se retrouver à nouveau confronté à une situation interprétée comme dangereuse, à la manière d’une technique d’évitement et de survie.
Se soigner grâce à la philo et aux casques 3D
Il existe aujourd’hui différents types de thérapies pour soigner ces phobies et reconsidérer ces objets parfaitement anodins. Si les thérapies comportementales et cognitives (TCC) permettent de confronter la personne phobique à l’objet ou à la situation phobogène, Alexandra Lecart propose également des thérapies virtuelles qui s’appuient sur les casques 3D, pour amener le patient à vivre une situation « in virtuo », donc en sécurité avec le psychologue et de manière préparée et progressive, avant de pouvoir l’appréhender dans le réel « in vivo ». La psychologue recommande aussi la psychothérapie existentielle, basée directement sur la psycho-philosophie et permettant ainsi de s’interroger sur soi, son existence ou son rapport à la mort par exemple, et la thérapie analytique sur la situation traumatisante à l’origine de la phobie. Dans une approche globale et intégrative, plusieurs thérapies pourront être mêlées.
Capucine Bordet
Crédit image : SHUTTERSTOCK/CIEM