Pourtant, certains citoyens – ni des marginaux, ni des rebelles – ne vont que rarement sur le web et se déclarent mal à l’aise avec le numérique. Ces « illettrés » du numérique, qui ont des difficultés à utiliser les nouvelles technologies, représentent une part non négligeable de la population.
L’illectronisme – pour illettrisme numérique –, c’est-à-dire l’impossibilité de se servir des outils informatiques par manque de connaissances sur le sujet, toucherait 15 % de personnes en France, selon les chiffres officiels, alors que dans le pays le nombre d’illettrés est estimé à 7 %. Une récente étude CSA pour le Syndicat de la presse sociale (SPS) révèle que près d’un quart des Français (23 %) se sentent « mal à l’aise avec le numérique ».
L’accès au numérique : un droit pour tous
Même si les plus de 70 ans sont un peu plus nombreux que les autres à avoir du mal à se servir d’Internet, l’illectronisme est un phénomène plus largement répandu qu’on pourrait le croire. De plus, beaucoup n’osent pas toujours avouer leurs difficultés ou leurs réticences. « Cette étude a permis de mettre des chiffres sur des intuitions, explique Philippe Marchal, le président du SPS. Nous avons quand même été surpris par le fait que cela touchait toutes les régions, urbaines ou rurales, les hommes comme les femmes, et toutes les catégories socioprofessionnelles, y compris des cadres supérieurs. Parmi les jeunes, 15 % sont aussi en retrait par rapport à Internet. Même s’ils surfent apparemment facilement sur le web, ils y font presque toujours la même chose et n’utilisent en réalité qu’une faible partie des possibilités du numérique. » Loin d’être hostile au progrès, le SPS s’inquiète néanmoins et pointe le risque d’exclusion sociale d’une partie de la population. « Avec la course effrénée de l’administration pour réduire ses coûts en dématérialisant le plus possible les démarches, trop de personnes restent sur les côtés, ce qui pose un vrai problème de citoyenneté, regrette Philippe Marchal. Certains se découragent et finissent par renoncer à une démarche, une requête, un droit. »
Décomplexer et « décomplexifier »
Dans une société qui vit à l’heure du digital, ne pas savoir utiliser les outils numériques est un véritable handicap au quotidien. Pour compenser le manque de compétences en informatique, apprendre à ces personnes démunies à envoyer des e-mails, à faire des démarches sur Internet, à commander un produit, etc., des initiatives voient le jour un peu partout en France. L’association Emmaüs, par exemple, permet aux plus défavorisés d’accéder aux services en ligne par le biais du programme Emmaüs Connect et, depuis plusieurs mois, initie aussi un public plus large via des ateliers pratiques pour accompagner ceux qui débutent sur la toile. Pôle Emploi, les départements, les mairies, les associations… ont également mis en place des formations pour que tous puissent enfin être autonomes et naviguer sans peine dans le monde du digital. Encore faudrait-il qu’un effort soit fait du côté des concepteurs et des éditeurs de sites pour les rendre plus accessibles et faciles à utiliser.
Isabelle Coston
Une campagne d’utilité sociale
L’étude du Syndicat de la presse sociale (SPS) sur l’illectronisme a permis de prendre la mesure du phénomène en France. Si 77 % des Français sont à l’aise dans l’environnement digital, ce n’est encore malheureusement pas le cas pour les 23 % restants. C’est la raison pour laquelle le SPS, qui regroupe plus de quatre-vingts éditeurs (associations, coopératives, syndicats, mutuelles…), a réalisé une campagne de sensibilisation, en partenariat avec le Syndicat national des radios libres (SNRL), courant septembre 2018. Pour l’occasion, un spot de sensibilisation, d’une durée de trente secondes, a été diffusé. « L’objectif est de lever les réticences des utilisateurs, mais surtout de sensibiliser l’ensemble du monde numérique : ceux qui sont à l’origine de la conception même des sites, qu’ils soient institutionnels, administratifs ou marchands », précise Philippe Marchal, le président du SPS. Celui-ci souhaite réunir « un groupe d’experts, psychologues, sociologues, spécialistes et concepteurs de sites, au sein d’un laboratoire d’idées afin de bâtir une réflexion approfondie sur le sujet ». De cette réflexion commune devra naître une charte des bonnes pratiques à l’usage des concepteurs de sites destinés au grand public.
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